Emmanuel Macron se positionne une fois de plus en Président de la “Startup Nation”
Arborant une broche de la French Tech sur son costume gris, sans cravate, c’est un Emmanuel Macron encourageant qui s’adresse à la French Tech et à son écosystème le lundi 14 septembre à l’Elysée.
Le ton est donné : en cette période de crise, le numérique est une opportunité à voir comme telle, et non pas une menace destructrice d’emplois. L’intervention d’Emmanuel Macron débute comme elle se termine : les entrepreneurs français s’adressent directement à lui et le challengent sur les objectifs du gouvernement “et si on se fixait 5 boites à 5 milliards d’ici 2025, plutôt que 25 licornes d’ici 2025 ?”. Un échange qui se conclut par un “c’est noté pour les prochains KPI Cédric ?” du Président, adressé à Cédric O, le secrétaire d’Etat chargé au numérique.
25 licornes d’ici 2025 et les moyens pour y arriver
Car 25 licornes d’ici 2025 (startups valorisées à 1 milliards), c’est l’objectif que s’est fixé le gouvernement. Rassurant, encourageant, le Président a détaillé les moyens qui seront mis en œuvre pour atteindre cet objectif, sans manquer de congratuler l’écosystème et ses acteurs.
Pour Emmanuel Macron, la progression vaut de se féliciter : 5 milliards de fonds levés en 2019, contre 2,7 milliards en 2017 et 2,7 milliards au premier semestre 2020 -et ce malgré le COVID. La France s’est aussi hissée à la deuxième place des pays du monde qui ont le plus développés leur compétitivité digitale en 2019.
La France est aussi désormais “le pays du continent européen qui crée le plus de startups” : une fierté, qui s’explique par l’impulsion donnée par le Président depuis le début de son mandat. Renforçant sa position de “Président de la Startup nation”, la French Tech et l’innovation ont été parmi les priorités annoncées du gouvernement. Cédric O et Kat Borlogan sont d’ailleurs positionnés en personnalités incontournables du gouvernement, preuve de l’importance donnée aux sujets qui leur incombent.
Quantique, Intelligence Artificielle, et Cybersécurité
Ce sont les sujets sur lesquels insister selon Emmanuel Macron, si l’on souhaite “un écosystème fort et souverain”. L’objectif assumé est, de créer des géants de la Tech mondiaux (au même rang que les GAFAS), rappelant que devenir une licorne ne doit être qu’un “objectif de transition”. L’innovation passe par l’éducation, la formation et la recherche : des sujets pris à bras le corps par le gouvernement qui souhaite notamment poursuivre sa “logique de campus”, en ligne avec son discours du 25 octobre 2017 à Paris-Saclay :”En France, si nous voulons garder une capacité à dire quelque chose du monde qui s’invente, nous devons être à la pointe de l’excellence scientifique et technique. […] Saclay est un des cœurs battants de la science française”
Sur ce point de l’éducation, le président n’oublie pas de rappeler que le triptyque français “éducation, santé, climat” est un facteur d’attractivité. Notre “éducation publique de très grande qualité” et gratuite, est un système inédit et un atout dans la course à la création de pépites de la Tech. Sans oublier de préciser que, si les salaires peuvent être doublés sur “la côte ouest”, les frais de scolarité sont également exponentiels. Un argument lancé à l’écosystème French Tech français, qui a parfois tendance à rêver d’un système à l’américaine.
“Nous n’avons pas un système d’exclusion sanitaire” : les “biais fiscaux” du système de santé ayant été corrigés, Il ajoute que dans un monde en pandémie, l’image de notre système doit plus que jamais être revalorisé et perçu comme un atout.
“Le Covid aime le numérique”
Pourtant, l’écosystème de la French Tech traverse la même crise que le reste de l’économie. Les ralentissements des entreprises, la prudence des consommateurs (même si la consommation des ménages a su résister), et le ralentissement des investissements impactent les jeunes pousses, au même titre que le reste de l’économie. Le Président compte bien sur son plan France Relance de 100 milliards, déployés sur toutes les industries pour tirer l’écosystème vers le haut par un effet de cercle vertueux.
Parmi c’est 100 milliards, c’est d’ailleurs “3,7 milliards pour soutenir les startups et accélérer l’investissement en capital, avec en particulier la BPI”. Une main tendue. 300 millions seront dédiés à la formation, 800 millions à l’accès au numérique et à la formation des “citoyens en marge” et 2,3 milliards pour transformer les administrations et l’Etat.
Soucieux d’appliquer ce qu’il préconise, le président qui reproche aux entreprises du CAC 40 d’avoir eu tendance à innover en interne plutôt qu’en faisant appel aux startups (avant d’investir sur le développement de leur écosystème : La Maison des Startups de LVMH, platform58 de la Banque Postale en sont de belles réussites), précise que la transformation des administrations et de l’Etat se fera main dans la main avec les startups, et non les “acteurs classiques”.
Fracture numérique, diversité et parité
De l’investissement, et un soutien sans faille du gouvernement. Un discours encourageant donc, ce lundi 14 septembre. Car si le président évoque l’objectif de la 5G, c’est non sans préciser la nécessité de déployer en priorité sur toute la France la 3G et la 4G. Car là où Samsung parle de déployer la 6G en 2028, il faut se rappeler que la fracture du numérique en France est réelle.
L’essor du digital renforce aussi les inégalités, créant un “illectronisme” (illettrisme du numérique) dont 17% de la population française est touchée d’après l’INSEE. Alors que la moyenne nationale en couverture 4G était de 82% en 2019, certains territoires dépassent à peine les 50% (Lozère, Ariège, Alpes de Hautes Provence…). Quid de ces populations en marge en période de confinement, où le numérique a été pour beaucoup d’entreprises et de particuliers une salvation (éducation des enfants et étudiants en ligne, divertissement, télétravail, achat en ligne…)?
Le gouvernement ne veut donc pas d’une French Tech comme un “secteur de bobo urbains d’un certain quartier”, et les initiatives pour faire avancer les sujets de diversité et de parité pleuvent : le concours Tremplin, qui vise à donner leur chance à des entrepreneurs issus des minorités (zone prioritaires, bénéficiaires du RSA ou réfugiés) s’est vu attribuer une enveloppe de 15 millions d’euros. L’objectif étant de les accompagner et de leur transmettre les codes de l’écosystème.
Car l’investissement et l’accès à des incubateurs ne suffisent pas pour s’ouvrir à la diversité, comme dans le monde classique du travail. Dans ce secteur, les acteurs échangent et évoluent entre pairs, et les relations de cofondation ou d’investissement se nouent souvent sur les bancs de l’école. Le Président réinsiste d’ailleurs sur l’éducation en tant que canal de transmission des codes de l’écosystème : “il faut plutôt former les jeunes qui viennent de quartiers et de diversité ” : c’est effectivement via l’accès aux mêmes écoles où les réseaux d’ores et déjà se forment que la fracture peut se réduire.
Les chiffres sur la parité évoluent légèrement mais restent loin de l’acceptable : en 2019, parmi les fameux 5 milliards cités par le président de la république, 2% des fonds étaient dédiés à financer des startups fondées par des femmes. Certes, les startups fondées ou cofondées par des femmes sont moins nombreuses (5% des startups sont fondées par une équipe 100% féminines). Pour autant, cela ne justifie pas les chiffres, et est aussi une partie du problème. Par ailleurs, lorsque l’équipe est mixte, les tickets des levées de fonds en série A sont jusqu’à deux fois moins importants que ceux pour les startups fondées seulement par des hommes. Pourtant, d’après Emmanuel Macron, notre écosystème a “un temps d’avance”.
“Le message clef, c’est qu’on n’était pas assez ambitieux dans nos objectifs”
C’est la phrase de conclusion du Président sur un sourire, après la mise en place d’un nouvel indicateur, soufflé par Jean-Charles Samuelian, le cofondateur de Alan. En pleine crise, le secteur peut impulser une création d’emploi et renforcer le rayonnement de la France à l’international. Les objectifs ne sont donc pas réduits malgré le COVID.