Journal d’une triathlète en devenir [PARTIE 1]

Eleïssa Karaj
34 min readMay 1, 2022

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Novembre 2021 — Mai 2022

Jeudi 11 novembre 2021

À l’heure où j’écris ces lignes nous sommes au mois de novembre, et contrairement à cet été, où je croyais dur comme fer à la réalisation de ce projet, je ne sais aujourd’hui vraiment pas si je vais réussir à mener tout cela à bien.

Là où tout a commencé

Dans un coin de ma tête, j’ai toujours souhaité me lancer dans le triathlon. Dans ma fameuse “Bucket List” des choses à faire avant de mourir, j’ai depuis longtemps inscrit les distances mythiques que sont le 70.3 et l’IronMan.

Mais après un an et demi de pandémie, soit la période de ma vie où j’ai le moins fait de sport, rien de tout cela n’était évidemment au programme.

En Mai 2021, toujours en pandémie, je pars à Hossegor en retraite Yoga. J’y rencontre Brigitte. En guise d’icebreaker, chacune d’entre nous doit énoncer un fait étonnant sur nous. Elle annonce :

« Je court un trail de 30km dans un mois, et je ne suis pas entraînée»

Je sais d’emblée par sa présence à la retraite et cette petite phrase, que nous avons beaucoup en commun. Et cela se confirme. Très vite, de retour à Paris, nous devenons amies. Régulièrement, nous nous retrouvons à 7h30 du matin pour faire du sport ensemble à Episod.

Et puis, deux mois après notre rencontre, nous décidons de faire un triathlon. Sur un coup de tête, lors d’un très simple échange par sms.

Samedi 20 novembre 2021

Depuis cette décision au mois de Juillet, à part l’achat de notre vélo Triban, rien ne s’est réellement passé. Jusqu’à ce matin.

Je rejoins Brigitte à 8h chez elle. Elle m’accueille avec un superbe petit déjeuner. C’est ce qu’il nous faut, puisque nous rejoignons pour la première fois le groupe des Classic Challenges à 9h, pour faire un bout de chemin avec eux : objectif Chantilly.

Nous voilà parties pour ma première vraie sortie vélo. Inscrites au groupe le plus «lent» nous nous rendons rapidement à l’évidence : nous ferons notre sortie à deux. En dix minutes, le groupe nous sème. Rien de grave, nous sommes contentes d’être là, et le parcours est magnifique.

Après des déconvenues qui ne peuvent arriver qu’à des débutants (un cycliste nous arrête pour nous prévenir que nos pneus ne sont pas gonflés, nous nous perdons car roulons sans GPS vélo…) nous terminons notre sortie aux alentours de midi.

Je suis très fière de moi et de mes 66 km. J’ai adoré, et je suis contente d’enfin débuter le vélo. Surtout, je me dis que je viens de découvrir un sport que, je le sens, je vais pratiquer toute ma vie.

Vendredi 18 Mars 2022

Il faut neuf mois à un corps humain pour fabriquer un enfant. En 8 mois, pourquoi ne pourrais-je pas finir un 70.3 ?

Ces derniers mois, il s’est passé énormément de choses. Mais pas tellement du côté de l’entrainement… En janvier, je suis partie sur un coup de tête en retraite yoga en Guadeloupe.

J’ai donc pu nager deux / trois fois en mer avec ma superbe trifonction, qui m’a été offerte à mon anniversaire.

Premier matin en Guadeloupe, première nage en mer à 6h : violente attaque de méduse. Je ne me démonte pas et y retourne quand même le lendemain.
La superbe e plage de mon airbnb

J’étais censée commencer ma préparation pour le triathlon de Cannes début février. Mais mon rythme et mon hygiène de vie n’ont jamais été aussi déplorables qu’à cette période. J’ai déménagée, je me suis séparée.

Je suis beaucoup sortie, ce qui ne m’était pas arrivé depuis plusieurs années. J’ai néanmoins tenté de grappiller des entraînements à droite à gauche. Mais c’était évidemment très compliqué de maintenir un rythme : cette période est arrivée avec son lot d’excès et de manque de sommeil. Ce qui est complètement incompatible avec la préparation d’un triathlon.

J’ai décidé de lâcher un peu prise. De ne pas prioriser ce projet sportif l’espace de quelques semaines, puisque j’ai conscience que plus je vais avancer, plus ma préparation prendra de la place dans ma vie personnelle.

Je me suis donc fixée la date du 18 mars, début de mon voyage à Lanzarote, comme vrai départ de ma préparation.

Avant cela, en plein dans ces deux mois de changements, déménagements et excès, je dois mentionner néanmoins quelques petits succès.

J’ai enfin ressorti le vélo (pour la première fois depuis novembre) pour une sortie de 75 km ! En passant par Pantin, j’ai d’ailleurs fait poser mes pédales automatiques dans un super coffee-shop cycliste. J’ai aussi regonflés mes pneus qui étaient complètement à plat.. depuis novembre.

Ma première sortie de 75km, seule

J’ai aussi été nager deux fois à Massy en piscine de 50m. Une autre fois à Châtelet. Des petites cases que j’ai pu cocher, même si je ne cesse de me dire que c’est bien loin d’être assez. Ces petits milestone me font plaisir, mais au global, ce n’est pas ainsi que j’avais imaginé mon mois de février. Je l’avais prévu militaire, calqué sur mon plan d’entrainement de 12 semaines. Que nenni.

J’ai aussi beaucoup sous-estimé ma première échéance, le triathlon de Cannes. Ce n’est pas un vrai M puisque la nage est « seulement » de 1000m. Je me suis donc dit que cette course était parfaite pour commencer.

Encore une fois en bonne débutante, je n’avais pas vérifié le parcours du triathlon de Cannes.

C’est un ami, et mon cousin Elias, qui m’ont fait réaliser il y a environ deux semaines que, non, il ne s’agit pas d’une course facile. La nage est réduite en raison de la difficulté des 40 km de vélo en côte… je me suis donc mise une petite pression en me disant qu’il était temps de me reconcentrer sur ma saison.

Je dois aussi mentionner que, début février, les plans ont changés.

Les dossards pour le Half IronMan de Barcelone étant sold-out, nous nous sommes rabattues sur le Half IronMan de Hurgharda, en Egypte, le 18 Novembre 2022.

Dépenser 400€ en février pour un 70.3 en novembre sans jamais avoir pris le départ d’un triathlon. La vie que j’ai décidé de mener !

Dans le fond, je ne suis pas mécontente. Plusieurs choses me font préférer l’Egypte à Barcelone : la course est en novembre et non en octobre, ce qui m’évite d’être dans le dur de la préparation en plein sur l’été. La nage est en baie, non pas en pleine Mer. Ce que j’imagine plus simple.

En revanche, il y a aussi de gros points négatifs : en Espagne, des amis auraient pu venir nous voir. En Egypte, c’est quasiment impossible. La température de l’eau est tellement chaude, que la combinaison est interdite- l’horreur. Et enfin et surtout, ce qui me fait douter du bien fondé de cette décision : nous partons pour un Half sous 30 degrés. Malin.

Aujourd’hui, nous sommes en Mars 2022, et je suis dans l’avion qui me ramène de Lanzarote à Paris.

Mercredi 16 Mars 2022

Arrivée la veille à Lanzarote, j’ai récupéré mon vélo dans la foulée.

Au matin, après un petit déjeuner de championne, je m’habille et me prépare pour une première sortie, avec donc mes pédales automatiques. Je précise qu’il s’agit de ma première sortie en “pédale-auto”.

Petit déjeuner de championne sur la terrasse de mon airbnb

Je suis sur mon vélo depuis à peine quelques secondes, je m’arrête à un feu et .. tombe. Aïe. Je me souviens, à la dure, que mes pieds sont attachés à mon vélo. Littéralement attachés. La sensation est étrange. Si le Cycling en salle m’y a un peu habituée, sur un vrai vélo extérieur, c’est complètement différent.

Je ne me démonte pas. Je suis un peu impressionnée mais je me dis que, tant que je garde en tête que mes pieds sont liés au vélo, tout devrait bien se passer.

Petite pause face à la mer

Et tout se passe bien. Je boucle une sortie de 54 km, après laquelle j’enchaîne un petit 3 km de course à pied.

Je découvre cette fameuse sensation dans les jambes: celle de la course après le vélo.

Je suis déjà fière de moi, je me sens un peu triathlète, c’est bête. En revanche, je n’ai pas pensé à prendre du ravitaillement lors de ma sortie. Malgré un super déjeuner, je subis un peu mon après-midi.

Moi après ma première grosse sortie vélo à Lanzarote

Jeudi 17 Mars 2022

Jolie vue devant mon airbnb

Ce matin, je pars pour une “petite” sortie de 75 km, pensant en faire 100 km le lendemain.

Les conditions sont abominables. Littéralement abominables.

J’ai le vent de face. Un vent violent. Les côtes sont horribles. Évidemment, je n’ai pas mes lunettes de soleil. J’ai parfois froid, parfois chaud. Je vérifies mon GPS sur mon téléphone, lui-même dans ma brassière, et dois ainsi m’arrêter régulièrement. Je suis seule au milieu des volcans. Si je crève, je ne sais même pas changer une chambre à air…

Je réalise vite que, paradoxalement, si je ne fais pas mes 100 km aujourd’hui, je n’aurais pas la force mentale de les atteindre demain. Recommencer dans ces conditions.

Alors je borne. Je borne jusque la Santa, dans le Nord de l’île. Je pédale, je m’accroche, vent de face.

Je veux boucler mes 100km malgré les conditions horribles. J’avais prévu d’atteindre ce palier pendant le séjour, c’est donc aujourd’hui ou jamais.

Arrivée à La Santa, je repère le fameux hôtel de sportif. Puis je fais demi tour. Un filmant la mer (quelle brillante idée!) je défaille et effectue un énooooorme vol plané sur le bitume.

Ma première chute. Je vocifère intérieurement : “oh, ne songes pas à te plaindre, c’est ta faute”. Leçon (presque) retenue : comme au volant, le téléphone est proscrit.

Je repars. Sur quelques kilomètres, c’est beau et plus agréable car j’ai enfin le vent de dos. Mais c’est de nouveau rapidement tellement venteux qu’il m’arrive même d’être projetée vers les voitures. Arrivée vers Puerto Del Carmen, je réalise que, si je souhaites atteindre les 100km, je vais devoir reprendre un bout du tronçon de la veille. Alors j’y vais.

Je suis à 80km, je n’ai plus d’eau, plus de ravitaillement. Je remercie intérieurement Pit, un triathlète rencontré la veille, qui m’avait incitée à prendre une barre de céréales en plus, en me disant “toujours avoir plus de ravitaillements que ce qu’on pense avoir besoin”.

En réalité c’était plus que nécessaire, en plus d’être en manque de nutriments, j’ai même carrément faim. Je n’ai plus d'énergie, j’ai soif, et je me retrouve à lécher le papier du gel pris plus tôt, ainsi que chercher les bouts de céréales dans ma trifonction. Une bonne leçon.

Après plus de 5h d’efforts, j’arrive au airbnb à 16h. Étrangement je me sens même mieux qu’hier, le ravitaillement aidant.

C’est fait ! J’ai bouclé mes premiers 100km !Et dans quelles conditions ! Avec quelle préparation ! Je suis fière.

Je me repose toute l’après-midi, me couche tôt. Pour le lendemain, je décide de partir en excursion vélo: une sortie de 65km en peloton. Je me dis qu’il faut que j’apprennes à rouler en groupe, et qu’il sera bien agréable de mettre mon cerveau en off et de simplement suivre les autres.

Vendredi 18 Mars 2022

Je suis devant le point de rendez-vous. J’appréhende la sortie. J’ai peur de me trainer, de faire attendre le groupe.

Le groupe, en l’occurrence, c’est 4–5 hommes d’une cinquantaine d’années, voire plus. Ils roulent ensemble depuis plus de 30 ans. Des machines. Ils ont font régulièrement ensemble des voyages en vélo, comme le Paris-Madrid. J’ai peur d’être à la traine, de les ralentir.

Finalement tout se passe bien. Je suis un peu poussée dans les montées (tellement sympa!), je fait une petite chute, mais la balade est absolument fabuleuse. C’est vraiment agréable de ne pas avoir à vérifier son GPS toute les 30 secondes. Je me sens une vraie cycliste, à rouler avec ce groupe.

Les paysages sont beaux, le groupe est génial

A environ 10–15 km de l’arrivée, nous nous arrêtons prendre un café. Honnêtement, je suis bien, j’adore. C’est décidé, je reviens à Lanzarote cet été pour m’entraîner. J’ai adoré l’ambiance, la sortie. Encore une fois, j’ai la sensation que ce sport commence à faire sa place dans mon cœur.

Jeudi 24 Mars 2022

J’ai repris le travail ce lundi. Je me sens bien, car depuis une semaine j’ai enfin un rythme convenable et ce -hors canaries- depuis plus de quasiment deux mois. J’ai un peu peur de le payer sur le triathlon de Cannes, mais ce n’est pas l’heure des regrets. Je n’ai pas nagé depuis longtemps. Fort heureusement ce week-end, j’ai le stage de triathlon à Fontainebleau.

J’y ai donc été mollo cette semaine, yoga lundi et mardi et Crossfit mercredi soir. Je sors à l’instant d’une séance de récupération chez Episod. Les canaries m’ont vraiment remotivée ! Je me surprend même à rêver d’un chrono sur l’IM, alors que je n’ai même pas couru mon premier triathlon à Cannes…

Pour l’instant, Cannes, c’est un peu une galère d’organisation. J’ai aussi décidé de ne pas faire le triathlon de Paris, et de plutôt faire celui de Deauville, le 17 Juin. Il parait que c’est une course très difficile. Mais c’est ce qui me convenait le plus en terme d’agenda. J’ai pris mon dossard, mon airbnb, mon train.

Et go.

Weekend du 26–28 Mars 2022

Le stage Finisher Triathlon était vraiment génial. J‘ai encaissé une dizaine d’heures de sport sur deux jours, mais c’était vraiment une superbe expérience. Le stage s’est déroulé au Centre National des Sports de la Défense, et pour moi qui aies toujours été très attirée par l’armée, je me suis délectée de l’ambiance. J’ai adoré prendre mon déjeuner au milieu des militaires de tout les corps, les voir s’entrainer. Les infrastructures sont aussi d’une qualité remarquable.

Le CNSD et ma dégaine de cycliste, je vais devoir m’habituer !

Le samedi, nous avons débuté en douceur : 1h de CAP sur des petits exercices de running.

Puis 1h de natation. Waouh. Pour le coup, j’ai l’impression que c’était ma vraie première séance de natation : plaquette, éducatifs, séance construite avec beaucoup de variétés… Bref, ce que proposais mon plan d’entrainement mais que je n’ai pas suivi jusqu’ici. C’est la première fois que je nageais autant, aussi. L’après-midi, nous sommes partis pour une sortie de 40 km. C’était top, de rouler de nouveau en peloton. Sans compter que le temps était absolument fabuleux. Avec le recul, je n’étais pas tant en difficulté que ça.

Première sortie avec mes propres pédales automatiques : mon pied droit de ne clipsait pas !
Dans l’attente du train après une journée de plus de 5h de sport !

Le dimanche matin était en revanche très, très dur. Dieu merci, je suis très organisée : je pars avec beaucoup d’avance et là… pas de métro.

Non, non… Je suis extenuée de la journée de la veille, j’ai peu dormi à cause de la fatigue. Il est à peine 7h20. Je stress car j’ai peur de rater mon train pour Fontainebleau.

La grille du métro fermée… Je me ravitaille à peine dans le train tellement je tombe de fatigue. L’un des matins les plus difficiles de ma vie, pour être honnête.

Heureusement, j’ai mon vélo. Je l’enfourche et débute donc ma journée avec 12km de vélo, en speed, pour aller de chez moi à Gare de Lyon. C’est dur dans les jambes, j’ai sommeil. Fort heureusement, j’ai mon train. Le temps est juste sublime, mais je me demande honnêtement comment je vais démarrer cette journée.

C’est très dur.

J’essaie de dormir dans le train, sans succès. Bien sûr, je dois encore pédaler pour aller sur le site d’entrainement.

Nous commençons la journée par du vélo. Environ 40 km, sur un travail de transition course à pied / vélo, et une simulation de T2, chronométré. Un des tronçons comporte une énorme côte, c’est difficile.

Première fois de ma vie que je fais une transition, au milieu de ce groupe de triathlète habitués (dont certains ont plusieurs IronMan à leur actif)

Mais je suis plutôt satisfaite de mon rythme, pour une première fois et vu mes dernières semaines de quasi non-entrainement. D’ailleurs, sur la partie course à pied, je trace, je fuse, je dépasse l’une des filles qui elle, ne débute pas. Je suis à l’aise. En revanche, arrivée sur la partie transition, je perd beaucoup de temps, et elle me rattrape avec une fluidité et une rapidité hallucinante. Je retiens la leçon : je vais devoir bosser les transitions. Ca ne me fais pas peur, ce n’est pas de la performance sportive, mais de l’organisation.

Après plus de 3h de vélo, nous allons déjeuner. Je dévore une fois de plus mon repas, j’hallucine tellement je mourrais de faim.

J’ai dévoré mon plateau-repas militaire. Je ressens la fatigue dans mes jambes

Je suis un peu plus en forme que ce matin, mais c’est de courte durée. Nous allons à la séance de renforcement musculaire. Je suis fatiguée, à bout. Ce qui ne m’arrive jamais au sport. J’ai sommeil. Le weekend dernier, j’étais à Lanzarote où j’ai borné 238 km. Les exercices sont très faciles, mais mon corps ne tient pas. Je n’ai qu’une obsession et une phrase en bouche :

“ Je ne sais pas comment je vais tenir à la natation”

Et la natation arrive. La veille, nous avions analysé nos captations vidéo, et, on ne va pas se mentir… C’est une catastrophe. Tellement une catastrophe, que, fair-play, je suis la seule du groupe qui ne s’est pas faite taquinée. C’est dire. Je bouge trop, je met trop de temps à prendre ma respiration, ma tête n’est pas assez immergée, mon bras pas assez dans l’axe lorsque je respire, bref… Incomparable avec les vidéos des autres participants au stage. Bon. Certains ont déjà soldé plusieurs Ironman et je débute. C’est normal.

Ce jour là, je travail donc des éducatifs pour améliorer ces points faibles. A la fin de la séance, je m’immerge dans un bassin cryo, le rêve. Ca me fait du bien. Le soir, je me commande des sushis et m’endors encore une fois avec grande difficulté.

La semaine suivante ressemble enfin à une semaine d’entrainement, lundi : je vais au yoga, mardi : je récupère au kiné, mercredi Watt45 (et je meurs), jeudi : Recharge chez Episod, samedi : je nage, dimanche : je nage.

Dimanche 03 avril 2022

Cet après-midi, j’ai pris un verre (de Perrier) avec Brigitte et Fanny/Yohan. Une chose en entrainant une autre, Yohan se joint à nous pour le triathlon de Cannes, et c’est pour nous une grande source de réassurance.

Déjà, j’ai hâte de l’ambiance “veille de course” à plusieurs, que je n’ai jamais vécue. J’ai toujours pris le départ de mes compétitions seule, partir et préparer une course en groupe, c’est une grande première.

Yohan est beaucoup plus expérimenté que nous, et va pouvoir nous accompagner sur les aspects logistique.

Pourtant, en ce dimanche soir où j’écris ces lignes, j’ai la gorge serrée. Je n’ai pas accroché de dossard depuis… 2019 je crois ?! Il me semble que ma dernière course était à Nice ! Non, Reims ! Ma dernière préparation était pour le semi-marathon de Paris en 2019, annulé la veille pour cause de COVID. Depuis, plus rien.

La course est dans 27 jours exactement.

Soit 4 semaines, voire 3 en réalité, puisque ça n’est sûrement pas la semaine de la course que je vais faire du volume. J’ai la boule au ventre rien que de l’écrire. J’avais prévu un plan de 12 semaines, j’ai l’impression de ne commencer qu’aujourd’hui. Je ne sais pas si je sous-estime mon entrainement : certes, il y a eu récemment les canaries et Fontainebleau, mais avant… J’ai l’impression que ça n’était pas fameux. Ce qui est certain, c’est que je n’avais pas envisagé mes 8 semaines de préparation comme elles se sont passées : sorties, excès, peu de sommeil.

Je vais prioriser le triathlon sur les trois prochaines semaines, mais j’ai peur que ce ne soit pas suffisant. Je ne veux pas non plus m’épuiser.

Je ne sais pas ce que j’appréhende le plus : la nage en mer ? les 40km de vélo en montée ?

Je pense aussi au fait que je n’ai que très peu couru sérieusement sur les deux dernières années de COVID. Espérons que les quelques semaines où nous faisions du bootcamp régulièrement avec Brigitte m’aideront en CAP.

Pour les trois prochaines semaines, je vais me reposer et m’entrainer sérieusement. Je vais faire de mon mieux.

Lundi 11 Avril 2022

J’essaie de me dire que ça fait partie du jeu.

La semaine débute, et je suis exactement à trois semaines du triathlon de Cannes. J’ai fait une séance géniale mercredi dernier entre midi et deux : cycling en WATT45 à la SDS, puis retour en vélo au cabinet. J’ai posé mon vélo, et j’ai enchainé avec 25 minutes environ de course à pied. Depuis, j’ai senti une légère gêne au niveau du genou gauche. Pas même une douleur, juste une gêne.

Je suis quand même allée nager le vendredi midi. Les éducatifs du stage semblent fonctionner, je me sens davantage glisser dans l’eau. La sensation et incomparable à mes débuts en nage. Je sens aussi que je gagne en “coffre” dans l’eau : j’arrive à faire des longueurs de 25m en alternant un crawl à 3 temps / 5 temps. Cela peut paraitre dérisoire pour les habitués, mais je me souviens qu’il y a quelques temps j’avais même du mal à enchainer une longueur de crawl.

Le vendredi soir, j’ai un concert. Je ressens encore cette gêne. Alors je me décide : à 3 semaines du triathlon, je vais freiner -voire stopper- mon entrainement. Je me dis,

Il vaux mieux que j’arrive sous-entrainée que blessée.

Je préviens la team Cannes : Yohan, Brigitte. J’essaie de ne pas me miner le moral, et étrangement, cela fonctionne.

Il faut dire que j’ai eu des périodes de ma vie où, le début de blessure était le pire qui puisse m’arriver. Surtout à l’approche d’une course. Est-ce parce que 3 semaines me paraissent suffisantes pour récupérer ? Ou bien parceque mon réel objectif est l'Ironman et que je ne considère Cannes “que” comme une étape ?

C’est aussi ces années COVID qui m’ont apprises (à la dure que), dans la vie, tout ne se passe pas comme prévu. En particulier le sport. Je pense à Mathieu que j’ai croisé à l'Ironman de Lanzarote. Il avait fait une grosse chute la veille de son IronMan, qu’il n’a donc pas pu courir. Il avait pris les choses avec philosophie.

Comme à mon habitude, j’ai lancé la task force : j’ai repris un abonnement ClassPass et je me suis bookée une séance de cryothérapie le samedi. Dimanche -hier- je suis allée chez l’ostéo. Et j’ai fait une grosse nuit.

L’ostéo me recommande de ne pas réduire mes entrainements à zéro cette semaine. Je vais y réfléchir, voir ce que cela donne au fil des jours. Affaire à suivre.

Samedi 23 Avril 2022, J-7

La course n’a jamais été aussi proche. Dieu merci, mon genou va bien. La semaine de repos a été très utile. Et toute la semaine dernière, plus que productive. Sur un coup de tête, Yohan, Brigitte et moi avons décidé de partir à Deauville en vélo depuis Evreux. Pour aller nager et tester nos combinaisons néoprènes. J’ai acheté la mienne quelques jours avant le départ. Une Arena moyen de gamme (300€), mais que j’aime déjà d’amour, tout comme mon vélo.

Cette virée était absolument géniale.

Levée à 7h du matin en grande forme, je prend la route pour Saint Lazare avec mon vélo. Nous sommes gâtés en terme de conditions : Fanny nous attend à Deauville avec nos sac à dos qui contienne nos affaires pour nager et de ville.

Nos deux Triban et le bijou de Yohan

Nous arrivons à Evreux à 10h. On s’équipe, et c’est parti pour 115 km de vélo. Le tronçon concocté par Yohan est fabuleux. Le temps est magnifique et surtout… Mes sensations sont incroyables. Sur les 115km, je n’ai jamais été en difficulté, ça roule, c’est “facile” dans les jambes. Incomparables avec ma sortie de 100km à Lanzarote. Est-ce l’entrainement ? Le repos forcé de la semaine précédente que je me suis imposée suite à ma douleur au genou ?

Le temps est superbe, la route agréable, et les sensations fluides. Je nage en pure bonheur.

J’ai retenue ma leçon de ma sortie de 100km à Lanzarote : cette fois-ci, je me suis ravitaillée tout au long de la sortie. Je me suis aussi beaucoup hydratée. Je pense que cela a aussi largement contribué à ma forme du jour.

Rocking my Oakley for the first time !

Après 115km, nous arrivons à Deauville. Fanny nous remet nos affaires après nous avoir très gentiment attendus.

Nous venons d’arriver, il est 16h. Les restaurants à Deauville ne servent plus à manger !

Je n’ai pas particulièrement faim, mais il faut manger car nous allons ensuite nager en mer. Nous détonnons avec la foule qui se masse à Deauville : du blanc, du lin.. Rien à voir avec nos styles de cyclistes: casques, sac à dos et running. Nous passons acheter de quoi pique-niquer face à la mer, sur les planches proches du Barrière.

Je me sens un peu hors du temps et de l’ambiance de Deauville, dans notre bulle. Je m’allonge sur les planches après mon sandwich triangle (d’après Brigitte et Yohan, je dois être la seule en France à réellement aimer les sandwich triangle) sans prêter regard aux passants impressionnés par nos vélos (et surtout celui de Yohan).

A gauche, Brigitte et son festin. A droite, mon bébé et mon déjeuner. J’ai transporté mes Tuc pendant 115km, ce qui a bien fait rire B et Y !

Après ce rapide déjeuner, nous reprenons les vélos pour aller nager sur la plage de Blonville. Nous déposons nos affaires sur une jetée, et commençons à nous changer. Nous irons à l’eau par groupe de deux.

J’inaugure ma combinaison en néoprène !

Brigitte et moi partons les premières. Evidemment, il n’y a personne dans l’eau. Strictement personne. Je trempe mes pieds, elle est glacée. Je m’allonge, avec la combinaison, c’est supportable. Je met la tête sous l’eau pour amorcer mon crawl et là…

La sensation est insupportable. Le froid me mord le visage.

J’essaie, une fois, deux fois. Je supporte pourtant bien l’eau froide. Mais là, c’est douloureux. Pourtant, j’y vais. Je suis venue pour cela, après tout : nager en mer. Je crawl.

L’eau est trouble, marron, mais pas particulièrement agitée. Je nage une dizaine de minutes. Sans surprise, c’est difficile. Je suis à bout de souffle alors je décide de rentrer en dos-crawlé. Je pivote. La tête me tourne, réellement. Je repivote et repars en brasse. J’ai donné ma bouée à Brigitte, il n’y a personne sur la plage. Si je fais un malaise dans l’eau, personne ne viendra me chercher. Je décide donc de brasser calmement : après tout, je viens de finir 115km de vélo et l’eau est très froide. Je me rassure en me disant que c’est normal (parce qu’en réalité, mon cerveau scande en boucle :

“C’est la merde pour Cannes. La nage, c’est la merde pour Cannes”

Je sors de l’eau, trouve le courage de faire une transition course à pied, et rejoins Yohan. Ma bouche est paralysée par le froid. Littéralement : je parle et une partie de mes lèvres ne répond pas. L’espace d’un instant, je pense à un AVC. Heureusement très vite, je me réchauffe le visage, et les sensations reviennent.

Encore le sourire avant le premier plouf ! Yohan et Brigitte dans le même mood “qu’est-ce qu’on fout ici ?!”

Deuxième round. Je pars avec Yohan. Je me familiarise avec ma combinaison. La fermeture, bien que très pratique, ne me parait pas intuitive. J’enchaine avec un peu de course.

Troisième round, je pars avec Brigitte. Sur la fin, je tente un crawl en deux temps. Quelques minutes seulement mais je perçois quelque chose : je suis à l’aise, je capte mon environnement et j’arrive à un mouvement qui ne me donne pas le tournis. Un bon point, je ne suis pas venue pour rien. Je le note dans un coin de ma tête.

Nous rejoignons notre jetée. J’ai le syndrome de Reynaud : je ne sens absolument plus mes pieds. On se sèche, se rhabille. Brigitte est en panique totale vis à vis de Cannes, il s’agissait de sa première nage en eau libre. Je ne suis pas rassurée non plus; mais ça va. Mais je me dis qu’il va falloir y aller. Mettre le cerveau en off, et nager.

19h. Rhabillée, je profite de la vue. J’aimerais revenir sur cette plage pour y flâner, faire du cheval. C’est très beau.

Yohan a faim : nous avions repéré une vendeuse de crêpes, gaufres… Nous rassemblons nos affaires, achetons de quoi manger. Avec nos sucreries, nous nous asseyons face à la mer. Les couleurs sont belles. Le moment est agréable. J’ai passé un dimanche comme je les aime. Je me sens bien, je suis contente d’avoir partagé cela avec eux.

Churros & gaufres pour le diner !

Nous rentrons avec le train de 21h. Le trajet retour est agréable, il n’y a personne dans le train, nous discutons.

Samedi 23 avril 2022

Je suis debout depuis 6h50, alors que je me suis couchée un peu après minuit. Je ne me sens pas particulièrement fatiguée, mais je suis quand même frustrée de ne pas réussir à dormir jusqu’au moins 8h30… Je me dis en même temps que, si je me réveille, c’est que mon corps à son quota de sommeil.

Mercredi dernier, j’ai fait un entrainement croisé (cycling + 7km de course à pied à Monceau, avec de bonnes sensation). C’est aussi ce que je vais faire aujourd’hui : cycling à la SDS et run sur les quais.

Hier, avant d’aller à l’anniversaire de Frances, je suis allée nager à Suzanne Berlioux. Et ce malgré une flemme monumentale. Autant dire que j’ai bien fait : j’ai bouclé l’une de mes meilleures séance de natation. 1h08 dans l’eau 3000m à Garmin (donc plutôt 2300 j’imagine). J’ai pu tester le crawl deux temps sur de longues distances, ce qui me sera sûrement très utile le jour du triathlon.

Je réalise que “j’ai du coffre” comme on dit dans le jargon. J’ai progressé, depuis le début de cette aventure. Naturellement et parce que je me sens à l’aise ainsi, j’arrive à crawler sur 4 temps. En exercice, je nage aussi en 5 temps avec aisance sur des longueurs de 50m. Je ne sais pas si je pourrais nager comme cela pendant ma course, mais c’est agréable de voir la progression. Je prend du plaisir à nager.

Comme en course à pied, j’ai appris hier que je suis un Diesel : les 45 premières minutes, je les nage car “il le faut”. Les 20 dernières, je suis dans le flow. Je ne m’arrête même pas, je ne compte plus. Je glisse, la piscine se vide, je suis en forme, fière de moi, c’est agréable.

A 7 jours de la course, je ne sais toujours pas ce qui m’attends.

Ce weekend, je vais prendre le temps d’étudier le parcours. Commencer mon sac. Je prends beaucoup de plaisir dans cette aventure même si parfois, le stress me submerge :

Que fais-je ? Vais-je réussir à boucler mon M ? Est-ce raisonnable d’avoir pris un dossard pour IronMan 70.3 en étant totalement débutante ?

Autrement, la plupart du temps, je me régale. Je me délecte. C’est agréable d’être totalement novice, d’être dans un sport qui a le goût de la nouveauté, et qui me correspond. Le triathlon allie des choses qui font écho à mon profil sportif : le goût du challenge, la performance, la communauté, l’amour des belles choses (coucou les vélos de chrono à 15k€, les accessoires, les IronMan à 600€). Je ressent pleinement cet adage

“Focus on the journey, not on the destination”

Certes, ma destination, mon objectif c’est l’IronMan. Et les triathlons M. Mais tout le reste me ravit. Tout le chemin pour y parvenir, cette fameuse “journey”. Les entrainements, et les déconvenues. Les petits bobos, et les rencontres. Les projets de courses, et les destinations “triathlon”. Ma progression, mes appréhensions. Je pense que tout arrive pour une raison. La rencontre avec Brigitte, Yohan qui se joint à nous pour Cannes.

Pour une fois, moi qui suis dans le contrôle, j’aime le fait de m’être complètement jetée dans l’inconnu. Enfin, c’est un inconnu et un lacher-prise relatif, puisque mon mantra, et ce depuis que j’ai acheté mon dossard pour l’Egypte est de me dire

Maintenant, c’est à toi de jouer

Autrement dit, tout repose sur moi et ma préparation. Ce que je contrôle, donc. En l’écrivant, je réalise que ce n’est finalement pas autant que cela une démarche qu’on peut inscrire dans le lâcher-prise.

Jeudi 28 Avril 2022, J-2

Je suis arrivée à Nice hier. Je télétravail et suis logée chez mon oncle. Etrangement, je suis moins stressée que ce que je prévoyais. Je pense que je me dis que ce n’est pas dans les dernière 48h que je vais influer d’une quelconque manière sur mon entrainement.

Le temps est superbe. J’espère qu’il le sera aussi samedi. J’ai plus hâte d’être à la fin de la course qu’au départ. J’ai surtout hâte de sortir de l’eau. Je sais que je me dirais que le plus dur est passé. Même si je n’en sais en fait rien. Demain, nous allons récupérer nos dossards, nos vélos. Ce soir, je vais faire mon maximum pour me coucher tôt.

Dimanche 1er Mai, lendemain du triathlon de Cannes

Il est 8h45, je suis sur la terrasse de mon oncle, au soleil. Il m’a gentiment préparé le petit déjeuner en lendemain de course.

Petit déjeuner sous le soleil du sud !

Je suis réveillée depuis environ 6h du matin, et je n’ai pas réussi à trouver le sommeil. Plutôt que de tourner dans mon lit, j’ai décidé de commencer le récit de ce qui restera toute ma vie “mon premier triathlon”.

C’est fait, je suis triathlète !

Vendredi, nous sommes allés chercher les dossards et nos vélos sur la pause déjeuner. Je suis ravie de retrouver cet ambiance de village de course. C’est très similaire à la course à pied, à la différence que nous croisons beaucoup de cyclistes avec leurs vélos.

Les frissons en passant devant la ligne d’arrivée pour aller chercher mon dossard. Brigitte avec le sien

Je règle la partie administrative, et récupère mon dossard, le 782.

Mon premier dossard depuis 2019 !

Etonnamment, sur ces derniers jours, je ne suis pas stressée. Je prends les choses avec philosophie. J’ai pris énormément de plaisir dans cette -sinueuse- préparation. Le temps est magique, le parcours le sera aussi. Si je dois m’arrêter, je m’arrêterais. Je ne vise pas de chrono, juste une découverte de la discipline.

Nous allons chercher nos vélos. Au téléphone depuis Paris, j’avais sympathisé avec le loueur de la boutique de vélo. En récupérant le mien, il m’annonce la surprise : il a upgradé mon modèle. Je me retrouve avec un super Bianchi en carbone. Avec trois plateaux… J’ai une petite pression sur la gestion des plateaux, après qu’il m’ait mis en garde une dizaine de fois de “ne pas croiser”. J’ai peur de dérailler sur le parcours vélo. Mais encore une fois, c’est trop tard. J’aviserais le lendemain.

Sous ce soleil, j’avoue avoir envie de buller dans un beachclub

Dans la soirée, nous préparons nos affaires pour le lendemain. Première énorme différence avec la course à pied : la logistique est énorme. C’est un sport qui demande discipline et organisation militaire -sûrement pour cela que jusqu’ici je m’y plait. Heureusement que Yohan, qui performe sur le triathlon depuis pas mal de temps, est avec nous. Il nous guide dans sur la préparation de nos vélos, et les détails importants (puces, tatouages, autocollants, sac de transitions).

L’organisation de veille de course

Nous dinons relativement tôt. L’ambiance est bonne. Je me rappelle de ma première course de montagne, l’Ardèche Run en 2018. J’avais été seule jusqu’en Ardèche, pris mon Airbnb seule. Même si j’apprécie ce calme qui permet de se concentrer, j’avoue avoir beaucoup aimé partager cette veille de course avec des amis qui prenaient le départ en même temps que moi.

Pasta partie de veille de course !

Je ne réalise pas qu’il faut prendre le départ le lendemain. J’ai hâte. Je sais que depuis quelques jours, c’est au mental. Mis à part le repos, rien de ce que je puisse faire n’améliorera ma condition physique.

Samedi 30 Avril 2022

5h20

Premier message d’encouragement à 5h30 de la part de Jade. Elle sort de boite, je lui envoi mon selfie. Deux salles deux ambiances !

Je me suis endormie aux alentours de 23h. A 5h20, je me réveille en forme. Le réveil ne pique pas. Une preuve que ce sont les nuits qui précèdent la course et la fatigue accumulée qui compte, non pas la veille.

Nous préparons notre petit déjeuner, chacun quelque chose de différent. Yohan mange une banane, un shaker. Brigitte prend du salé : œuf, tartines. Je fais exactement le même petit déjeuner qu’au matin de Deauville et du stage à Fontainebleau : porridge banane, fruits secs, fraises, et surtout… beurre de cacahuète. J’ai pour règle d’allier nutrition et plaisir.

6h15

Nous prenons le départ pour le parc à vélo.

C’est le grand départ !

Je suis assez chargée avec mon sac streetwear qui contient mes affaires de rechange post-course et mon sac de transition qui contient tout ce dont j’ai besoin pour le triathlon (combinaison de natation, chaussures de vélo etc, etc).

Sur la croisette, le village est déjà plein. Le stress commence à monter, l’excitation aussi. J’y suis. Je n’en reviens pas d’être enfin au jour J. J’entre dans le parc à vélo. Je repère le numéro 782. Je suis au milieu de supers vélos, et de triathlètes qui me paraissent aguerris : profil classique d’hommes d’une cinquantaine d’années, affutés, équipés, bronzés.

Je me répète mes transitions et tente de disposer le tout au mieux

Devant mon vélo l’espace de quelques secondes, c’est la sidération. Je ne sais plus par quoi commencer. Autour de moi, j’entends les gens se plaindre que le parc est trop exigüe. Il n’y a pas suffisamment de place pour les vélos. Comme à mon habitude, je discute. Je blague avec mes voisins

“Si je sors de l’eau j’aurais déjà réussi ma course”

Nous rions. Je leur dis qu’ils va falloir qu’ils s’attendent à ce que je sois encore dans l’eau quand ils seront à T1 pour récupérer leur vélo après la natation. Nous rions. Ici aussi, l’ambiance est bonne. Autour de moi, je retrouve l’ambiance du matin de l’IronMan de Lanzarote, sauf que cette fois, je prends moi aussi le départ.

Mes affaires préparées, je pars déposer mon sac streetwear à la consigne. J’entends

“ Accompagnants à gauche, athlètes à droite”

Je me dis intérieurement “athlète”, c’est quand même un bien grand mot ! Voyons déjà si j’arrive à sortir de l’eau !

Le départ de la natation. Le calme avant la tempête !

7h50

Nous sommes 1150 triathlètes à attendre le départ.

Je suis avec Brigitte, et Claudia que nous avons rencontré quelques minutes plus tôt. Elle court aussi son premier triathlon.

J’ai beaucoup d’émotion. J’ai le cœur qui bat, je regarde la mer avec intensité pour bien repérer le parcours. Objectivement, la mer est très calme. Belle. Je me dis que les conditions sont meilleures qu’à Deauville. Et que de toute façon, il faut y aller.

8h00

Natation

Le coup de feu retentit. J’avance, en laissant passer la masse des personnes rapides avant moi. Je m’élance. Je retient ma leçon de mon expérience de nage en eau libre en Crète : je ne m’essouffle pas à courir n’importe comment dans l’eau, je reste de calme. Je commence à nager. Effectivement, la combinaison améliore la flottabilité. J’ai l’impression que je n’ai pas à me préoccuper de mes jambes, qu’elle flotte naturellement derrière moi.

Cette étape est plutôt une bonne surprise, je ne me sens pas oppressée par les autres. Je nage le crawl parfois en 3 temps, parfois en 2. L’eau ne me parait pas salée. Je ne suis pas essoufflée. Je trouve en revanche cela un peu long, j’ai hâte d’arriver. Je constate que je ne suis pas complètement à l’arrière. Je vois des personnes en difficulté.

Je me sens plutôt bien. J’hésite un instant à faire de l’intensité, après tout “c’est une course”. Je me ravise : c’est mon premier 1km en eau libre. J’ai plutôt intérêt à tenir jusqu’au bout plutôt que de tenter de la vitesse.

Plus vite que je ne le pense, je vois l’arrivée. J’accélère, mais léger.

Je sors de l’eau, je suis bien. Je court, enlève ma combinaison. Je suis ravie du modèle que j’ai choisi, ravie d’avoir testé en amont, car j’enlève instantanément la néoprène. Avec le recul, j’estime avoir nagé à 65% de mes capacité.

Je boucle mes premiers 1km de nage en mer en 22min

Le parcours nage capté avec ma Garmin

T1

Je cours vers le parc à vélo, j’enlève ma combinaison. Je récupère la compote laissée dans mes chaussures, que j’avale en même temps que j’enfile mes casques mes lunettes et je pars en trombe. Sur T1, je serais classée 78ème de ma catégorie !

Vélo

J’enfile mes pédales automatiques, et démarre. Je m’hydrate un peu, et c’est parti. Je suis émue, et pleine d’adrénaline. Je me dis que la partie que j’appréhendais le plus est derrière moi. 40 km de vélo, 10km de course à pied, c’est du terrain connu. Qu’importe le dénivelé du col, qu’importe la fatigue accumulée. Après tout, j’ai encaissé Fontainebleau.

Je commence à rouler, le temps est magnifique. C’est facile dans les jambes, tout se déroule sans encombre jusqu’au col. Arrivée au 20ème kilomètre, j’aperçois la montée. Environ 300m de D+1 sur 6km.

Je ne sais pas à quoi m’attendre. Mon rythme est bon, ce n’est pas si difficile, finalement. Les paysages sont très beaux, je me ravitaille. Devant moi, les gens ne vont pas plus vite que moi. A ma gauche, les pros redescendent à toute vitesse. Le bruit de la chaine des vélos de course me ravit. Les regarder descendre à toute allure me motive et me fait passer le temps.

Je manque de peu de tomber à cause de la personne en face de moi. Il n’a pas de vélo de route, se perd dans ses vitesse et chute. Je me rabat sur la gauche au dernier moment pour l’éviter, de très près. En me rabattant à gauche, je manque de me prendre un pro en pleine face à toute allure (soit plus de 60km/h). Une frayeur qui me fait monter le cardio. Je remercie fort le ciel d’avoir évité deux accidents en l’espace d’une dizaine de secondes.

Je continue à grimper. Je ne suis toujours pas dans le dur, si je compare à ma sortie à Lanzarote. Pour autant, comme en natation, je ne veux pas pousser davantage. Je ne veux pas me cramer pour la suite.

Le col gravit, il faut maintenant redescendre. Sur ce tronçon, je suis quasi seule. C’est incroyable, j’atteint des pics à 53,6 km/h. La vue est époustouflante, entre montagne et mer. A ce moment, je croise dans l’autre sens les voitures balais, avec un athlète devant. L’émotion me monte, un mélange de peine et d’admiration pour cette personne. Cette image me renvoi à l’appréhension que j’avais de cette course. Et le bonheur actuel dans lequel je nage. Je suis tellement heureuse de mon rythme, des sensations, du paysage.

Au retour, au niveau du 30ème kilomètre, je suis de retour en ville. Sur la croisette à Cannes, je commence légèrement à sentir une fatigue musculaire. Mais rien de très difficile. Sur le vélo aussi, j’estime avoir roulé à 65% de mes capacités. Je prends beaucoup de plaisir.

J’aperçois de loin le parc à vélo. Il y a de plus en plus de supporters au bord de la route. J’entends souvent “allez les filles”, car une autre femme me suit. Nous sommes 209 femmes sur 1150 personnes, forcément, on nous encourage.

Je finis mes 40km en 1h31 minutes !

T2

J’arrive. J’ai décidé de ne pas ouvrir les chaussures sur le vélo comme les pro, je testerais sur la prochaine course. Dans le parc à vélo, j’arrive en même temps que l’athlète avec lequel j’avais sympathisé avant de partir. J’enlève mes chaussures de vélo, mon casque, une gorgée d’eau et je pars pour la course à pied.

Course à pied

Je lance la playlist Spotify que j’ai concoctée pour l’occasion. Sur “I can’t stop” de Flux Pavilion, je débute ma course à pied. Je me sens bien. Je regarde ma montre et je constate je suis à 4:34 mn/km de moyenne sur mes 2 premiers kilomètres. J’ai peur de me cramer. Pour la première fois depuis ce matin 8h, je suis dans le dur. Je commence à avoir un point de côté.

Je ralentis légèrement. Lors de mes (très rares) entrainements croisés, j’ai toujours eu un très bon rythme. Je ne veux pas non plus partir en allure footing. En ralentissant et en me concentrant sur ma respiration, j’arrive à faire disparaitre mon point de côté. Je dépasse de nombreuses personnes.

Au 5ème kilomètre, je me rend compte que j’ai fait la moitié. Comme sur les rares fois où j’ai couru après le vélo, je me sens nettement mieux maintenant que j’ai pu cavaler un peu. Tout le monde parle de la fameuse sensation de jambes lourdes en course à pied après le vélo, honnêtement, passée les premiers kilomètres, pour moi c’est l’inverse.

Mes jambes semblent s’être oxygénées. Physiquement, je suis bien. Mentalement, je trouve ça légèrement long même si c’est largement tenable. Dans ma tête, je compare au dialogue intérieur que je peux avoir en semi-marathon : c’est incomparable. Un 10km, ça passe très vite. Je boucle mon deuxième tour, deuxième élastique à mon poignet.

Je prend de l’eau à chaque ravitaillement. Aucune pitié pour mes airpods, je me rafraichis la tête avec systématiquement.

Le parcours est joli, c’est distrayant de passer devant les Yatchs. Des familles prennent leur petit déjeuner devant nous. En revanche, je suis lassée des virages. Etrangement, j’aime la ligne droite en endurance, là où certains trouvent cela déprimant.

7,50km à ma montre..

Je me dis que j’ai fait le plus dur. Je n’ai aucune idée de l’heure qu’il est. Je suis bien mais encore une fois, je ne veux pas me forcer à sprinter sur les deux derniers kilomètres et prendre le risque d’être mal. Je maintiens mon rythme.

Au dixième kilomètre, j’accélère légèrement.

Je boucle mes 10km en 46min33 seconde. J’arrive 60ème de ma catégorie.

Incroyable pour un premier triathlon et vu le niveau de la course. A ce stade, je n’en sais encore rien car je n’ai pas accès aux chronos.

Arrivée

J’atteins la ligne d’arrivée, je vois le chrono au loin “2h47”. J’hallucine, mais ne réalise pas encore. J’arrête ma montre. Les larmes me monte. Je suis arrêtée, on me met la médaille autour du cou. Je vois des athlètes au sol, assis ou allongés. Je sors de la zone d’arrivée.

L’espace d’une seconde, je regrette un peu de n’avoir personne sur la ligne d’arrivée. Mais je sais que je rejoins mon oncle et ma cousine plus tard. Que je vais rejoindre Yohan et Brigitte, et que certains proches amis me suivent sur la plateforme.

J’écris à ma meilleure amie. Il est 10h50. La veille, je m’organisais avec mon oncle pour qu’il puisse checkout le Airbnb à ma place à 12h, car je pensais ne pas être arrivée à ce moment là. J’hallucine, je suis un peu choquée d’être autant en forme. Je reçois mes chronos par ma meilleure amie. Je plane.

Mes échanges avec Marjolaine, je suis un peu sous le choc

Il est 10h50, je suis officiellement triathlète !

Ma première médaille en Triathlon !

Aujourd’hui, dimanche donc, je suis encore un peu sous le coup de l’adrénaline d’hier. Je me suis levée bien plus tôt que prévu, mais je ne suis pas exténuée. Je suis heureuse d’avoir passée cette première course. Ma prochaine course est dans 7 semaines, à Deauville.

Je ne peux pas dire que je soit sereine, car la nage est cette fois à 1,5km. Les conditions à Deauville sont réputées très difficiles : houle, température, opacité de l’eau, dénivelé. Néanmoins, j’ai un peu plus de visibilité aujourd’hui sur ce qui m’attends.

Le 70.3 en Egypte me parait d’autant… difficile. Pas insurmontable, mais réellement difficile. J’ai tendance à dire “c’est un problème de la Eleïssa de demain”. J’ai six mois pour me préparer, c’est à moi de faire en sorte que ces six mois me permettent d’être prête pour cette course.

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Eleïssa Karaj
Eleïssa Karaj

Written by Eleïssa Karaj

Chief Digital Officer of a 270 people law firm, I am passionnate about innovation, entrepreneurship and sports.

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